− par Jean-FredEn préambule, je remercie chaleureusement Pymouss de m’accueillir en ces lieux. Je remercie aussi la twitto-blogo-sphère wikimédienne francophone de s’être enthousiasmée à l’annonce de ce billet, et de s’être proposée en nombre pour m’héberger. Wikimedia Commons. La médiathèque des projets Wikimédia. Fonds multimédia d’une ampleur et d’une richesse inouïes. Porte-étendard du mouvement des œuvres libres. Lieu de discussions sans fin sur le droit d’auteur,
copyright & co,
licensing comme on dit par chez nous.
Il y a tout pile un mois (et je te l’apprends probablement ami lecteur) a été créé
[[Commons:Village_pump/Copyright]], pour que les utilisateurs aient un lieu où poser des questions en rapport avec le
copyright (si si). Comme beaucoup de pages de Commons, c’est en anglais, pas très compréhensible pour le gars de passage, et dans ma liste de suivi.
Or donc, consultais-je avant-hier ma liste de suivi que j’ai remarqué
ce fil. Résumé.
La personne compose de la musique et écrit des chansons. Elle les met sur YouTube et Facebook, pour que vous et moi allions écouter cela, et dans l’espoir un peu fou que peut-être, un jour, un producteur tombe amoureux et lui propose un contrat (la personne précise bien qu’elle est lucide quant à la probabilité que cela arrive).
Plutôt que de mettre sa trombine statique en arrière-plan, elle écume
iStockphoto, banque d’images « microstock », à la recherche de visuels en rapport avec ses chansons et réaliser un clip minimaliste. Mais iStockphoto, ça coûte des sous, et tout ça pour des vidéos qui ne lui rapportent pas un rond. Et si quelqu’un un jour veut payer pour son œuvre, ce serait pour la musique, pas le clip. Et si ça arrive, elle supprimera les vidéos et voilà.
Et cette personne se demande (et nous demande) : « puis-je utiliser des images et des clips de Wikimedia Commons dans mes vidéos, sans le moindre risque d’amende, poursuite judiciaire ou perte de mes droits d’auteur sur mes chansons − réponse courte SVP ».
Un vieux briscard de Commons, habitué des discussions du genre, lui tint à peu près ce discours :
- Réponse courte : « oui, c’est justement le genre de chose que l’on cherche à autoriser, mais gaffe aux clauses des licences. »
- Réponse longue : 612 mots. Tout y passe. Explication de la distinction entre collective work et derivative work, la viralité des licences, la nécessité de créditer les auteurs et mentionner les licences, les sept pages de la GFDL à inclure, l’impossibilité de combiner de la GFDL et de la CC-BY-SA, la possibilité de choisir la licence que l’on préfère pour des œuvres sous licences multiples. Et que non, normalement ya pas de problème pour ses chansons.
Un autre briscard est passé après pour une autre réponse courte : 1/ Image du domaine public (PD ou CC0) → Utilise comme tu veux ; 2/ Image CC → Utilise et indique auteur et licence ; 3/ Aucun problème pour tes chansons.
Huh.
Il est fréquent que les gens qui veulent réutiliser des œuvres de Commons demandent la permission aux auteurs − j’ai entendu et lu beaucoup de contributeurs le dire.
Certains se
fendent même de pages où ils ré-explicitent que non, ya pas de souci.
C’est un peu un
fail majeur que de devoir expliquer une des raisons d’être du projet. Clairement, on a un problème de pédagogie quelque-part. Mais j’essaye de ne pas trop dramatiser sur ce constat.
D’abord, je mets ça en partie sur le compte d’un manque d’éducation du grand public aux œuvres libres : oui monsieur, des films/musiques/photos que vous pouvez librement télécharger, regarder, diffuser et même vendre, ça existe. J’ai souvent vu l’incrédulité peinte sur le visage de mes interlocuteurs quand je leur disais qu’ils pouvaient imprimer et vendre des bouts de Wikipédia si ça leur chantait − et franchement ça se comprend.
Ensuite, je me dis que de notre côté on ne peut que s’améliorer niveau pédagogie et ergonomie. Les gros boutons «
Réutiliser cette image » sont très récents par exemple.
Mais cette histoire est autre chose. Un type arrive avec un cas relativement simple. Ce qu’il cherche à faire est en plein dans ce que l’on cherche à permettre. Et la réponse complète à sa question « Je peux ? » est en 612 mots. La réponse courte lui demande de regarder quelle licence il veut utiliser et d’agir différemment selon.
Et là, par contre, je me dis que ça va pas s’améliorer avec le temps. Les textes de licences seront toujours aussi imbuvables pour le commun des mortels (moi compris). La viralité demeurera un concept abscons à l’application tordue. Il faudra toujours se traîner l’incompatibilité de la GFDL et ses sept pages de texte.
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…fut un temps. (M. Rehemtulla/QUOI Media Group, CC-BY) |
Il y aura toujours les auteurs qui rajoutent des clauses aux licences (comme si elles n’étaient pas assez compliquées comme ça) : «
Veuillez faire figurer mon nom à proximité immédiate de l’image », « Vous devez impérativement laisser le
watermark », «
Vous devez me contacter si vous utilisez l’image », ou encore (ma préférée) «
Pour utiliser sur média papier, veuillez me créditer avec mon vrai nom que vous obtiendrez en me contactant ». Et tant pis si ces clauses soient
un abus des licences Creative Commons ou en trahissent complètement l’esprit.
Oh, on a essayé de faire mieux. Il y a trois ans, j’ai accueilli avec enthousiasme la
Grande Migration, où adieu les sept pages de la GFDL, tout passait en CC-BY-SA. Las. Il y a eu ceux qui se sont opposées à la migration. Et il y a ceux qui maintenant, mettent sciemment leurs photos sous
{{GFDL-1.2}} − j’ai beau avoir cherché, je n’ai jamais lu le début d’une explication à part « Emmerder les réutilisateurs (si possible les multinationales qui exploitent des enfants et vont se faire du fric sur mon dos, mais au cas où, tout le monde) ».
Des Commonistes ont essayé de
faire la chasse aux
clauses alakon (mises en
plus gros que la photo et avec
des chouettes couleurs tant qu’à faire, voire en incluant du
foutage de gueule intégral), en s’attirant des regards noirs accompagnés de claquements de porte. Un jour, j’ai
suggéré d’imposer aux utilisateurs qui utilisent des modèles personnalisés pour indiquer qu’ils sont l’auteur de l’indiquer
aussi normalement dans le champ réservé à cet effet, et sur lequel se basent les outils style les gros boutons. On m’a répondu que c’était une mauvaise idée. Car il faut éviter de froisser les Vrais Contributeurs™, de peur qu’ils ne Quittent le Projet™. Le gars qui veut réutiliser des images ? Oh, lui.
Sur la porte d’entrée, il est écrit « Wikimedia Commons, une médiathèque de watmille fichiers librement réutilisables et que chacun peut enrichir ».
J’aurais tant aimé qu’il soit écrit « Wikimedia Commons, une médiathèque de watmille fichiers que chacun peut réutiliser ».