vendredi 24 juillet 2009

Heureusement que Wikipédia n'est pas une encyclopédie


Plus j'avance avec mes nouveaux amis wikisourciens dans la transcription du Dictionnaire de Trévoux et plus je suis content que Wikipédia ne soit pas une encyclopédie. Ni même un dictionnaire, d'ailleurs.

Dès la préface de cet imposant ouvrage, on sait que l'on a sous les yeux le meilleur et le plus complet des ouvrages de référence de l'époque. En tout cas, c'est ce qu'on y lit entre les lignes. Il faut dire que l'un des objectifs de l'ouvrage est de faire état de « la multiplicité des idées qui produit & qui doit produire la multiplicité des termes ». En quelque sorte, nos Bons Pères (le Trévoux est rédigé sous la direction de Jésuites) posent les bases de la Neutralité de point de vue.
En poursuivant la lecture de cette préface, on découvre d'autres phrases que les wikipédiens ne renieraient pas : « le Public paroît pencher un peu plus du côté de ceux qui citent, que du côté de Ceux qui ne citent pas, […] il est, au contraire, flatté agréablement par la déférence & le ménagement que font paroître pour ses lumières ceux qui n’avancent rien, sans l’appuyer de preuves solides & de bons témoignages ». Aujourd'hui, et en un autre lieu, on dirait : « Citez vos sources ».
En plus, il n'est pas question de se poser en spécialistes de la question. À propos de la religion, on lit que les auteurs du dictionnaire se sont contenté « d’exposer les opinions sur lesquelles ces Héresies sont fondées, & cela d’une manière simple, sans sortir des bornes d’un Dictionnaire ». Quel admirable sens des limites d'un ouvrage qui doit rester simple de lecture ! Dans la même page, on lit même : « On n’attend point [du dictionnaire] qu’il s’érige en Controversiste mais qu’il rende les Controversistes intelligibles ». Dès le XVIIIe siècle, ce dictionnaire refuse donc de servir d'écho aux travaux inédits, forcément polémiques par nature.

Émoustillé par la lecture de cette alléchante préface, me sentant en pays de connaissance, je me suis donc lancé avec quelques autres dans la transcription wikisourcienne de cet ouvrage, persuadé de retrouver à chaque ligne des vérités fondamentales qui auront su traverser les siècles.
Éh bien, en fait, non.
Pas du tout.
À chaque page, le modeste encyclopédiste collaboratif du XXIe siècle que je m'efforce d'être bondit sur son siège. Les perles s'enfilent. Bien sûr, je m'efforce de contextualiser en fonction des connaissances de l'époque, de l'omniprégnence de la Religion (la Vraie, pas les autres hérésies), ou des tournures de phrases qui conduiraient aujourd'hui leurs auteurs au bûcher du « politiquement correct ». On sent partout la volonté d'avoir toujours raison ; contre les jansénistes, contre les oratoriens, contre les vocabulistes, etc.

En fait, je me dis qu'il est bien plus enrichissant de participer à un joli MMORPG où les débats sont ouverts, où les coups pleuvent, où on se déteste avec autant de vigueur qu'on s'aime. Un lieu où abondent les Pokemons, les joueurs de foot biélorusses et autres bestioles qui ne passeront pas plus à la postérité que certains des grands penseurs cités par le Trévoux.

Oui, Wikipédia n'est pas une encyclopédie. Tant mieux.

3 commentaires:

Moez a dit…

Wikipédia est en effet bien plus qu'une encyclopédie. Je l'ai toujours considérée comme une hyper encyclopédie. Mais c'est aussi et surtout le principe de neutralité (appliqué) qui donne le ton de Wikipédia.

Coyau a dit…

Ah mon salaud ! Comment veux-tu que je te réponde dans une boîte aussi petite ?

Si les administrateurs de Wikipédia étaient recrutés par concours, ça ferait un sujet de dissert' parfait. Malheureusement, on préfère leur balancer leur date de naissance en travers de la figure au lieu de savoir ce qu'ils ont dans le ciboulot, de voir ce qu'ils perçoivent du projet, ce qu'ils en comprennent et ce qu'ils en attendent...

J'ai besoin d'un peu de temps et d'espace : voir plus d'une phrase et demi quand j'écris, prendre le temps de me relire.
Et puis j'ai une de ces dalles...

Pymouss a dit…

Je signale à mes attentifs lecteurs deux billets postés en réaction à ce post : chez Pierrot et chez Coyau. Merci à eux de permettre d'ouvrir quelques perspectives que mon trop bref billet ne fait que frôler.